Statuts de la FNDR (Fédération Nationale des Déportés Résistants) (Buchenwald)

(S. Maurel, p.98)

Statut de la FNDR (Buchenwald)

STATUTS DE LÀ FNDR (Fédération Nationale des Déportés Résistants) (Buchenwald) À Buchenwald-Weimar, au cours de ces derniers mois, nous avons jeté les bases d'une Fédération Nationale des Déportés de la Résistance; voici des extraits de nos statuts provisoires :
Article I : buts de l'Association :
a/ De resserrer les liens de fraternité entre les membres et de développer entre eux une solidarité effective.
b/ D'assurer aux anciens déportés et à leur famille (femmes, enfants, ascendants, descendants ou ayants quelconque) l'aide morale et matérielle dont ils ont besoin en toutes circonstances et sous toutes ses formes. Cette aide se traduira notamment par des dons en espèce ou en nature, par des prêts, par des conseils et des soins médicaux, par des conseils juridiques et par la défense devant les tribunaux, par des conseils et par toutes interventions utiles à l'égard des pouvoirs publics et de toutes les administrations intéressées (ministères, services hospitaliers ou sociaux, assurances sociales, services relatifs à la protection de la famille et de l’enfance) etc. et d’une manière générale aide et assistance .
c) De promouvoir et de soutenir par tous les moyens appropriés toute législation et réglementation nécessaire à l’établissement et à la défense des droits des anciens déportés et de leurs familles etc ; (indemnités, pensions, soins, médicaments) et d'une manière générale aide et assistance.
d) De promouvoir et de soutenir par tous les moyens les mesures de répression (et éventuellement de réparation) qui s'imposent à l'égard des responsables de la défaite et des collaborateurs de l'ennemi (agents irréguliers ou occasionnels de la police et de l'armée ennemies, dénonciateurs, magistrats et fonctionnaires, français ayant participé à la répression) etc.
e) D'entretenir par toute propagande appropriée, presse, livres, radio, cinéma, réunions et manifestations, participation aux cérémonies publiques, officielles ou privées, édification et entretien si possible, tant à Paris qu'en province, d'une maison ou d'un foyer pour les anciens déportés et leurs familles, le souvenir des morts et des souffrances causées par la déportation.

Article Il :Conditions d'admission (extraits) :
Pour être admis à faire partie de l'Association, tout intéressé devra justifier par tous moyens (documents écrits ou témoignages, présomptions précises et concordantes ) de la réalité de sa déportation. Il devra justifier du fait que la cause de sa déportation se rattache au moins indirectement à un acte de résistance à l'ennemi, cet acte devant avoir été commis, soit par lui-même, soit par son conjoint, soit par un membre de sa famille, à sa connaissance et avec son consentement.
La candidature devra être appuyée par deux membres de l'Association et appuyée d'un dossier contenant toutes attestations et pièces justificatives utiles.

Le dossier de chaque candidat sera examiné par une commission de cinq membres désignés à cet effet par assemblée générale. La demande sera, en cas d'avis favorable de la commission, soumise au Bureau de l'Association qui statuera sur l'admission. En cas d'avis défavorable de la commission, la demande sera écartée définitivement et le dossier ne pourra être présenté à nouveau que si la commission a, elle-même, précisé qu'elle réservait, dans un délai déterminé, le droit de l'intéressé à apporter des justifications supplémentaires. Les veuves ou ayants droit d'un déporté défunt ou disparu pourront, dans les mêmes formes et conditions, solliciter l'ouverture d'un dossier au nom dudit déporté. Les demandes ci-dessus visées ne seront plus reçues deux ans après la cessation des hostilités, sauf justification d'un empêchement absolu dont l'exactitude sera souverainement appréciée par la commission. Etc

Source : S. Maurel, Aux origines de la FNDIRP, 1944-1946, Paris, 1994, p. 98.

Rousset David, « Au secours des déportés dans les camps soviétiques

Un appel aux anciens déportés des camps nazis, Lignes, 2000/2 n° 2, p. 143-160. DOI : 10.3917/lignes1.002.0143.

Rousset David, « Au secours des déportés dans les camps soviétiques »

J'adresse cet appel à tous les anciens déportés poli- tiques, aux deux grandes organisations de déportés en France : la Fédération nationale des déportés et inter- nés résistants et patriotes et la Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance (et donc très officiellement à leurs directions) ; à tous ceux qui, après avoir vécu l'univers concentrationnaire, en portèrent le témoignage ; enfin à tous les anciens déportés étrangers et à leurs organisations.
Depuis cinq ans, des témoignages accablants sont produits en nombre toujours plus considérable sur les camps de déportation soviétiques. La guerre, qui a ouvert au monde les camps nazis pour les anéantir ensuite, a brisé de façon définitive le silence des terri- toires lointains de la Russie. Il a fallu que des étrangers soient déportés par milliers, puis que des nécessités militaires les rendent à la liberté pour que lentement se dresse un extraordinaire paysage concentrationnaire.
Et, déjà, c'est la grande variété de ces témoignages qui devrait frapper l'attention : documents si pareils aux nôtres de Polonais, les uns bourgeois conservateurs, les autres indifférents à la politique ou socialistes ou même communistes ; longs récits de communistes d'Allemagne ou d'Europe centrale, de Juifs simplement juifs ou de sionistes ; rapports de fonctionnaires de la NKVD ayant fui, pas toujours pour des raisons honorables ; de Russes, des Russes de tous les jours échappés grâce à l'aventure de la guerre ou de l'occupation ; de républicains espagnols ; enfin les textes législatifs soviétiques eux-mêmes. Il n'est pas possible d'imaginer un complot de cette taille, que tous ces gens-là mentent et de façon si pertinente, en imitant si bien ce ton qui fut le nôtre à notre retour. Le nombre et leur insistance, le caractère même de cette insistance vous obligent à ne pas les récuser sans les entendre, sans examiner le dossier, sans exiger que les pièces soient fournies. C'est que nous sommes méfiants. Nous avons appris la méfiance systématique. Si M. Vichinsky nous dit qu'il s'agit de camps « correctifs », où l'on redresse l'homme par le travail, nous demandons à voir. Il n'y a pas si longtemps, Himmler dressait sur nos têtes cette pancarte de Sachsenhausen : LE TRAVAIL PAR LÀ JOIE. Et je me souviens de ce Russe pendu dans notre dortoir pour avoir failli à son devoir en fuyant « lâche ment » son travail. Et qui donc parmi nous a oublié que nous étions internés pour que le peuple soit protégé de nos méfaits et pour nous protéger du juste ressentiment populaire ?
Nous devons être méfiants. En particulier, nous devons être méfiants à l'égard des « autorités » qui tiennent fortement en laisse le chien dressé à la chasse à l'homme, sous prétexte que cet homme est mauvais. Vous vous souvenez des chiens ? De belles bêtes au poil luisant, aux crocs solides. À Neuengamme, de l'autre côté des barbelés, les gardes S.S. s'égayaient le matin à les exciter. Nous, on regardait avec envie leur pitance. Aussi, lorsque je lis aujourd'hui qu'on se sert parfois des chiens dans les baraques, le jour pas encore levé, pour presser le déporté soviétique à l'appel du travail, ou que la bête mange ses quatre cents grammes de viande fraîche par jour tandis que le détenu le mieux nourri n'en reçoit que huit cent quatre-vingt dix grammes par mois, je n'accepte pas cela pour argent comptant, certes, mais je me méfie. Et lorsque, par ailleurs, on me dit que la sentinelle d'un de ces misérables kommandos d'avant-garde, qui ont pour tâche de construire les premières baraques d'un camp, apostrophait ainsi ses hommes pour les exciter à la peine :« Construisez votre vie », cela évoque pour moi des souvenirs singulièrement précis.
(…)
Je vous propose et je propose à nos organisations de constituer une commission d'enquête, une commission composée exclusivement d'anciens déportés poli- tiques éprouvés. Eux ne pourront pas être dupes. Ils savent, pour l'avoir vécu jusque dans ses camouflages, ce qu'est le monde concentrationnaire. Ils savent ce qu'est un déporté.
Les communistes, anciens déportés, doivent avoir leur place dans cette commission, comme toutes les autres tendances politiques et dans les mêmes conditions.
Je propose enfin que la commission une fois réunie demande officiellement au gouvernement soviétique le droit de mener son enquête sur place dans les camps, en Russie même.
Le gouvernement soviétique nie l'accusation qui lui est portée d'être coupable de crimes contre l'humanité. C'est lui offrir le meilleur moyen de justifier sa bonne foi devant l'opinion mondiale que de lui proposer que des hommes connus comme victimes du nazisme puis- sent étudier librement ses camps de travail correctif. Je demande instamment à tous mes camarades des camps de soutenir cette requête. Je le demande en particulier à ceux qui, après avoir vécu le monde concentrationnaire, en ont porté témoignage, comme Martin-Chauffier, Agnès Humbert, Jean Cayrol, Robert Antelme, Eugen Kogon ; à ceux aussi qui disposent d'une tribune publique, comme Rémy Roure et Claude Bourdet.

Le Figaro littéraire, le 12 novembre 1949

Extrait des lois fixant statut des déportés résistants et déportés internés.

Journal officiel de la République française, 8 Aout 1948.

Extrait des lois fixant statut des déportés résistants et déportés internés.

Loi n° 48-251 du 8 août 1948 établissant le statut définitif des déportés et internés de la Résistance L’Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L'Assemblée nationale a adopté,
Le Présiden.t de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art 1er - La République française reconnaissante s’incline respectueusement devant t la mémoire des marty.rs de la barbarie nazie_ et fasciste qui ont contribué à sauver la patrie, salue leurs familles et rend hommage aux rescapés de la Résistance dont elle_ proclame les droits.
Art 2. - Le titre de déporté résistant est attribué à toute personne qui, pour acte qualifié de résistance à l'ennemi, a été :
1° Soit transférée par l'ennemi hors du territoire nationa1, puis incarcérée ou internée dans une prison ou un camp de concentration ;
2° Soit incarcérée ou internée par l'ennemi dans les camps et prisons du Bas Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
3° Soit incarcérée ou internée par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi, notamment en Indochine, et sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement réponde aux conditions qui seront fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 17 ci-après.
Art. 3. - Le titre d'interné résistant est attribué à toute personne qui a subi, quel qu'en soit le lieu, sauf les cas prévus à l'article 2 ci-dessus, une détention minimum de trois mois pour acte qualifié de résistance à l'ennemi. Aucune condition de durée ne sera exigée de ceux qui se sont évadés ou qui ont contracté pendant leur internement, une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures, susceptibles d'ouvrir droit à pension à la charge de l'État.
Art 4 : Les personnes arrêtées et exécutées pour acte de résistance à l’ennemi sont considérées comme internés-résistants , quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur le champ.

Art 5 : Les prisonniers de guerre, les travailleurs en Allemagne non volontaires qui ont été transférés dans les camps de concentration pour acte qualifié de résistance à l’ennemi ou leurs ayants cause, peuvent, après enquête, dans des conditions qui seront fixées par l’administration publique prévu à l’article 17 ci-après, bénéficier de la présente loi.
(…)
Ar t. 8. - En ce qui concerne les déportés résistants, le temps passé en détention et en déportation est compté comme service militaire actif dans la zone de combat et dans une unité combattante et donne droit au bénéfice de la campagne double jusqu'au jour du rapatriement, augmenté de six mois.
Pour les internés résistants, la détention et l'internement sont comptés comme service actif et donnent droit au bénéfice de la campagne simple jusqu'au jour de leur libération.
(…)
Art. 9. - Un contingent spécial de distinctions dans l'ordre national de la Légion d'honneur et un contingent de médailles militaires sont réservées chaque année aux déportés et internés résistants.
La Légion d'honneur ou la médaille militaire, ainsi que la Croix de guerre et la médaille de la Résistance, seront attribuées d'office, à titre posthume, aux déportés résistants disparus et aux internés résistants fusillés ou morts des suites de mauvais traitements.
Art. 10. - I1 est institué une médaille avec ruban, dite « Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de résistance qui sera attribuée à toute personne justifiant de la qualité de déporté ou interné résistant, dans les conditions fixées par les artic1es 2, 3, 4 et 5 de la présente loi.
Art 14 : Les commissions et jurys appelés à statuer sur le cas des déportés et internés résistants dans le cadre des articles 2 3 4 5 8 9 10 11 de la présente loi devront obligatoirement comprendre plus de 50 pour cent de membres choisis parmi les déportés internés résistants. (…)



Loi n°481404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques. L’Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L’Assemblée nationale a adopté, le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art 1er. – La République française, reconnaissante envers ceux qui ont contribué à assurer le salut du pays, s’incline devant eux et devant leurs familles, détermine le statut des déportés et internés politiques, proclame leurs droits et ceux de leurs ayant cause.
Art 2.- Le titre de déporté politique est attribué aux Français ou ressortissants des territoires d’outre-mer, qui, pour tout autre motif qu’une infraction de droit commun ne tombant pas sous le bénéfice de l’ordonnance du 6 juillet 1943, ont été :
1° Soit transférés par l’ennemi hors du territoire national puis incarcérés ou internés dans une prison ou un camp de concentration ;
2° Soit incarcérés ou internés par l’ennemi dans les camps ou prisons du Bas Rhin et de la Moselle ;
3° Soit incarcérés ou internés par l’ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l’ennemi notamment l’Indochine sous réserve que la dite incarcération ou ledit internement réponde aux conditions qui seront fixées par le règlement d’administration publique prévu à l’article 15 ci-après.
Sont exclues du bénéfice des présentes dispositions les personnes visées aux paragraphes 2 et 3 ci-dessus, qui n’ont pas été incarcérées pendant au moins trois mois, à moins qu’elles se soient évadées ou qu’elles aient contracté pendant leur internement une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures susceptibles d’ouvrir droit à pension à la charge de l’État.
(…)
Art 5 : Un pécule est attribué aux déportés et internés politiques ou à leur ayant cause. (…)
Art 7 : Art 7- Il est institué une médaille avec ruban dite « médaille de la déportation et de l’internement » qui sera attribuée à tout Français ou ressortissant français justifiant de la qualité de déporté ou d’interné politique, dans les conditions définies par les articles 2, 3 ou 4.