L’opinion française face aux déportés : entre méfiance et lassitude
L’été 1945 est une période de prise de conscience de ce qu’a été en Allemagne le sort des déportés. De manière significative, pendant quelques semaines, la question des prisonniers de guerre s’efface du devant de la scène. L'expérience douloureuse de la déportation semble plus justement appréhendée. Toutefois, l’attention est surtout focalisée sur les politiques et les résistants tandis que le drame des déportés juifs n’est guère compris dans sa spécificité, comme l’a montré Annette Wieviorka à travers ses travaux.
Des raisons purement quantitatives expliquent en partie ce processus. Sur les 76 000 juifs déportés vers l’Allemagne, à peine 3% sont rentrés, soit 2000 personnes environ. Ces rescapés sont noyés dans la masse des prisonniers de guerre et des déportés politiques. Ces derniers, quoique frappés très durement eux-aussi, sont rentrés en plus grand nombre. De plus, c’est par familles entières que les juifs ont été décimés. Au retour, un sentiment d’incompréhension s’ajoute à l’isolement des survivants. La reconstruction de la nation autour du mythe résistancialiste contribue à une certaine « héroïsation » des déportés politiques confinant les « raciaux » dans leur statut de victimes.
En dépit des efforts du Ministère des PDR, les manifestations du 1er mai 1945 ne parviendront pas à imposer l'image d'un même "corps" de rapatriés.