Le rapatriement des déportés. Qui attend-on ?

En dépit de la création, en octobre 1944, du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, confié au résistant Henri Frenay, le gouvernement ne dispose pas de données fiables pour préparer le retour des déportés.
Les informations précises ne concernent que les prisonniers de guerre, 950 000 d’entre eux étant encore détenus dans les oflags et les stalags. Le ministère conçoit d’abord leur rapatriement comme une priorité stratégique dans la perspective de la poursuite de la guerre. Il se préoccupe aussi des 700 000 requis du STO et des 300 000 Alsaciens-Lorrains engagés de force dans la Wehrmacht.
Faute d’information sur les quelques 150 000 déportés politiques ou « raciaux », tant sur leur nombre que sur le sort qu’ils ont subi, le ministère ne prévoit pas, au départ, de traitement spécifique.

Le rôle du Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés

L’essentiel de l’activité du ministère des PDR consiste à planifier le retour des rapatriés. Il se heurte cependant aux prérogatives du SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) qui constitue la véritable instance à décider du rapatriement. Pour le SHAEF, priorité est donnée aux prisonniers de guerre sur les autres catégories de rapatriés, travailleurs requis ou déportés. En attendant leur départ, les civils devront attendre dans des centres dirigés par les Anglo-Américains : c’est le Stand Still. Des officiers de liaison, moyennant l’accréditation du SHAEF, ont pour mission de rassembler leurs nationaux. Mais les Français ne réussissent pas à installer une mission de rapatriement en Allemagne. Pour les aspects humanitaires du rapatriement, le SHAEF s’adosse à l’UNRRA (Administration des Nations Unies pour les secours et la reconstruction). Des accords sont négociés avec les différents États où stationnent des rapatriés. Le 19 juin 1945, un accord réciproque relatif au rapatriement des prisonniers et déportés est signé avec le gouvernement soviétique.
Face à l’urgence sanitaire, les Alliés optent finalement pour le rapatriement par avion. À partir de la mi-avril, ils font de Paris le principal lieu de transit des rapatriés. L’aéroport du Bourget accueille 8 000 personnes par jour. Entre mai et septembre 1945, 33 000 personnes sont rapatriées quotidiennement.
Parmi les responsables de l’administration du ministère, malgré une campagne officielle destinée à ne pas diviser prisonniers et déportés, certains militaires laissent transparaître des préjugés peu favorables à ces derniers.

Des retours plus ou moins improvisés ...

Il n’est guère possible de dresser une typologie satisfaisante des conditions du retour. Au gré des circonstances et des rencontres, les déportés s’agrègent à des groupes de prisonniers ou de civils, empruntent les circuits « officiels » mis en place par les Alliés (train et avion ou par des moyens de fortune). Ceux dont l’état sanitaire l’exige ou qui sont bloqués par les mesures de quarantaine doivent patienter parfois de longues semaines.

... compliqués par des tensions diplomatiques croissantes

Pour ceux qui ne parviennent pas à rentrer rapidement, la situation devient parfois plus compliquée, car la mise en place du Stand Still imposée par les Alliés pour des raisons d’abord stratégiques, se prolonge du fait de la gestion complexe des personnes déplacées en Allemagne. Dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes entre les puissances occupantes, la présence sur les routes de colonnes de prisonniers allemands et de civils qui ont fui les combats complique l’organisation des retours. Dans une Allemagne en décomposition, certains déportés tentent parfois de rentrer par leurs propres moyens plutôt que de prolonger l’attente. Très souvent, notamment pour les libérés d’Auschwitz, il faut attendre plusieurs mois avant de quitter les abords du camp. Aussi, les rescapés tentent-ils souvent d’être pris en charge par les Américains. La situation est plus difficile encore pour ceux qui se trouvent dans la zone soviétique, car les rapatriements se font pas voie maritime jusqu’à Marseille, après un long périple par Odessa.

En France à l’été 1945, le ministère des PDR est de plus en plus critiqué pour le retard des opérations de rapatriement et l’insuffisance des équipements d’accueil. L’Humanité est à la pointe des protestations. Au début du mois de juin, des manifestations de rapatriés sont organisées en direction du ministère.

Les camps de personnes déplacées

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© FNDIRP, coll. Henri Cartier-Bresson.