À partir de juillet 1944, les images et récits relatifs aux premiers camps libérés circulent de manière très limitée. La liberté d’écriture des journalistes est bridée par la censure militaire et les consignes du ministère Frenay visant à ne pas inquiéter les familles.
Le choc
Au milieu du mois d’avril 1945, les premiers retours et l’appel lancé par le général Eisenhower aux journalistes du monde entier marquent un changement de ton et le démarrage d’une véritable campagne de presse. Pendant deux mois, des récits détaillés accompagnés de témoignages tentent de restituer l’enfer des camps. Des photographies de charniers et de déportés squelettiques, mais aussi de scènes de « pédagogie de l’horreur » s’étalent dans les journaux, occupant parfois la une.
Entre émotion et révolte, les journalistes contribuent à fixer une première image de la déportation. Certains articles n’échappent pas à la tentation du sensationnalisme, d’autant plus que la connaissance de l’univers concentrationnaire est une forme de voyage sans fin dans l’horreur.
Au fil des semaines, et avec les premiers procès, les articles se font plus analytiques sans être en mesure, toutefois, de donner les éléments permettant une compréhension en profondeur du système concentrationnaire.
L’information contribue sans doute à restituer ce qu’a été le « choc » de la découverte des camps, à indigner et à susciter de la compassion à l’égard des déportés. Elle ne permet guère d’appréhender la diversité de conditions des uns et des autres. La difficile compréhension du système concentrationnaire est aussi le reflet de la situation chaotique dans laquelle se trouvent les camps et du désordre des rapatriements. Les journalistes qui ont eux-mêmes connu la déportation tentent, comme
Rémy Roure, de transmettre un point de vue plus complexe et d’introduire l’idée que les rapatriés n’ont pas tous été soumis aux mêmes épreuves.
Les expositions
Des expositions sont également organisées à des fins d’information dans l’Allemagne occupée et dans plusieurs pays européens. À Paris, au Grand Palais, en juin 1945, « Crimes hitlériens » prend le relais d’une précédente exposition qui avait été consacrée aux prisonniers et STO. Elle circule ensuite dans plusieurs villes ainsi qu’à Londres et Bruxelles. Réalisée à l’instigation du service des recherches des crimes de guerre, émanation du Mouvement national des prisonniers et déportés, elle est organisée par les ministères de la Justice, de l’Information et des Prisonniers. Interdite aux moins de seize ans, l’exposition présente des photographies d’atrocités nazies : suppliciés du Vercors, corps démembrés au
Struthof, etc. Une salle spécifique est consacrée aux Juifs. Mais les médias continuent de privilégier une clef de lecture « résitancialiste » comme cela transparaît dans ce commentaire du journal
Le Monde : « Ce qui frappe le visiteur, c'est l'inimaginable barbarie des moyens employés par les hitlériens, leur diabolique perfidie pour mater la résistance ancrée au cœur de la nation. »
Le rôle des procès
La justice contribue également à la mise en place de jalons mémoriels. En août 1945, les alliés se sont accordés sur le principe d'un tribunal international militaire. Celui-ci jugera trois types de crimes : les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
Les crimes contre l’humanité sont une innovation juridique importante. Ils caractérisent « l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre pour des motifs politiques, raciaux ou religieux ».
Le procès de Nuremberg, du 20 novembre 1945 au 1
er octobre 1946, est une nouvelle occasion de revenir, dans les médias, sur les crimes perpétrés par les nazis et sur l’univers concentrationnaire.
Plusieurs procès ont lieu aussi pour juger les responsables des camps. Ainsi, le procès de Belsen se déroule à l’automne 1945 dans la ville de Lüneburg.
En Pologne, lors des procès d’après-guerre, deux concernent plus spécifiquement
Auschwitz, en particulier celui contre Rudolf Höss, le commandant du camp.
En France, la justice est passée lors d’une importante épuration judiciaire, mais deux lois d'amnistie votées en 1951 et 1953 vident les prisons des collaborateurs. L’heure est à l'oubli des fractures provoquées par la guerre. Cependant, en 1964, une loi déclare imprescriptibles les crimes contre l’humanité. Elle permettra l’organisation ultérieure de grands procès dans le contexte d’un réveil de la mémoire de la Shoah.