témoignage de Jacqueline Fleury

Nous avons été dirigées vers le Lutetia. Là, nous avons subi de nouveaux interrogatoires. Et, une nouvelle fois, nous avons été choquées par cette ambiance de femmes pomponnées. C’est vrai, il y avait bientôt un an que la France était libérée. Nous étions des gens qui arrivions bien tard.
Mais pour nous, c’était difficile : ces gens ne pouvaient pas comprendre ce que nous avions enduré. Nous étions des êtres à part. On nous a donné une chambre, et on a pu se laver. On a peut-être aussi reçu des vêtements. Et puis, après avoir encore été interrogées, le lendemain matin, on nous a donné un ticket de métro et une petite somme d’argent. Comme nous habitions Versailles, on nous a dit : « Eh bien, mesdames, partez chez vous... » Nous avons pris le métro, jusqu’à Saint-Lazare, ma mère et moi, et puis le train. Et je nous vois encore, fatiguées, épuisées. Comme nous avions eu l’habitude de vivre toujours par terre, et que j’étais très fatiguée, les bords de trottoirs étaient très attirants. Et je disais à maman : « Attends, je voudrais m’asseoir. » Et je l’entends encore me répondre : « Mais enfin ma fille, nous sommes à Versailles, tu ne peux pas faire ça. »

biographie

Jacqueline Fleury, née en 1923, a seize ans lors de la déclaration de guerre. Elle réside alors à Versailles. Elle participe à la Résistance, travaille au journal clandestin Défense de la France, comme agent de liaison.
Elle est arrêtée, ainsi que ses parents, pour fait de résistance, en juin 1944.
Elle est emprisonnée à la prison de Fresnes puis déportée, le 15 août 1944, jusqu'à Ravensbrück, où elle retrouve sa mère. Elles sont affectées à différents Kommandos de femmes de Buchenwald, notamment celui de Markkleeberg d’où elles sont évacuées en avril 1945. Retrouvant sa famille à son retour, Jacqueline Fleury insiste sur la faible capacité d’écoute d’une société française, soucieuse de tirer un trait sur la guerre. C’est au sein des associations de déportés, avec ses camarades de camps, qu’elle réapprend à vivre, créant une solidarité qu’elle contribue à perpétuer avec la création du Concours national de la résistance et de la déportation et en présidant l’ADIR.

www.cndp.fr/crdp-creteil/resistance/745-temoignage-de-jacqueline-fleury

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