Nous avons été dirigées vers le Lutetia. Là, nous avons subi de nouveaux interrogatoires. Et, une nouvelle fois, nous avons été choquées par cette ambiance de femmes pomponnées. C’est vrai, il y avait bientôt un an que la France était libérée. Nous étions des gens qui arrivions bien tard.
Mais pour nous, c’était difficile : ces gens ne pouvaient pas comprendre ce que nous avions enduré. Nous étions des êtres à part. On nous a donné une chambre, et on a pu se laver. On a peut-être aussi reçu des vêtements. Et puis, après avoir encore été interrogées, le lendemain matin, on nous a donné un ticket de métro et une petite somme d’argent. Comme nous habitions Versailles, on nous a dit : « Eh bien, mesdames, partez chez vous... » Nous avons pris le métro, jusqu’à Saint-Lazare, ma mère et moi, et puis le train. Et je nous vois encore, fatiguées, épuisées. Comme nous avions eu l’habitude de vivre toujours par terre, et que j’étais très fatiguée, les bords de trottoirs étaient très attirants. Et je disais à maman : « Attends, je voudrais m’asseoir. » Et je l’entends encore me répondre : « Mais enfin ma fille, nous sommes à Versailles, tu ne peux pas faire ça. »
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