témoignage de Sarah Colin

Des gens de la Croix-Rouge vous attendaient-ils à votre arrivée à Paris ?

Je ne me rappelle pas. La Croix-Rouge, je ne la porte pas dans mon cœur. Ils n’ont rien fait pour nous. Ils ne nous rien apporté, pas un seul paquet. J’étais très malade et j’avais surtout très peur en rentrant, j’avais toujours donné un faux nom. Je me disais : « Alors, maintenant en rentrant, ils vont voir que je suis née en Allemagne, ils sont capables de me renvoyer. » Je ne savais pas quoi faire. À l’hôtel Lutetia, une de mes camarades, qui était avec nous à St-Michel dans la Résistance, m’a dit : « Tu dis ton vrai nom, tu n’as plus rien à craindre. » Je ne suis restée que quelques heures au Lutetia. Ils attendaient une ambulance pour m’emmener à l’hôpital Bichat. De l’hôpital, j’ai envoyé un pneumatique à un ami demandant des nouvelles de mes parents. « Tes parents vivent, ton frère aussi » m’a-t-il répondu. Cette nouvelle a provoqué une crise de larmes. Ensuite, ma mère est venue me voir à l’hôpital.
Il a fallu presque un an pour me retaper (je pesais 28 kg). Sur mon bulletin, il était écrit : « État rachitique extrême. » Dans mon état, on ne pouvait même pas m’opérer. Je suis restée, je crois, deux mois et demi à Bichat. Puis j’ai été en maison de repos à Moissac, puis dans une autre maison et je suis retournée à l’hôpital. Au bout de dix mois seulement, ils ont pu commencer à me soigner.

biographie

Sarah Colin est née en 1922 en Allemagne sous le nom de Sarah Weltmann. Elle est internée une première fois en 1940 comme Allemande, puis libéré peu après car son père s’est engagé comme volontaire dans l’armée française. Elle est de nouveau arrêtée le 18 octobre 1943, pour fait de résistance. Après un passage à Drancy, elle est déportée à Auschwitz le 22/23 janvier 1944, et travaille à l’Union jusqu’au 18 janvier 1945. Lors de l’évacuation, elle est conduite à Ravensbrück.
Après avoir supporté plusieurs évacuations, puis être finalement libérée par les troupes soviétiques, Sarah Colin, très affaiblie, est prise en charge par les services sanitaires américains. Elle est rapatriée vers la France en train. Comme beaucoup d’autres déportés, le retour n’est pas une période d’euphorie mais de crainte sourde, où se mêlent l’incertitude sur le sort des siens et la peur de ne pas être bien accueillie.