En juillet 1942, Himmler donne l’ordre d’ouvrir les fosses communes contenant les dépouilles des victimes des
Einsatzgruppen ou des centres de mise à mort pour les faire disparaître. Une formation spécifique, les « Unités 1005 » est en charge de l’élimination des corps. Entre l’automne 1942 et les derniers mois de 1943, des sites d’incinération créés pour la circonstance fonctionnent jour et nuit. À Belzec, 2 000 corps sont brûlés chaque jour. La tentative de dissimulation des preuves du crime de masse est à l’œuvre.
Garder le secret ?
La volonté de Himmler de conserver le secret autour des exterminations de masse conduit les exécuteurs de la Solution finale à prendre un certain nombre de précautions.
Un langage codé est créé : les centres de mise à mort sont désignés par « l’Est » ; l’architecte d’Auschwitz nomme les chambres à gaz « caves spéciales », tandis que « traitement spécial » désigne la mise à mort.
Le personnel des camps prête serment de silence. Les visiteurs sont étroitement contrôlés. Les centres de mise à mort sont dissimulés aux regards par des barrières de végétation. L’interdiction de photographier, notifiée pour les camps de concentration, est plus que jamais d’actualité s’agissant des centres de mise à mort.
Pourtant, la proximité d’implantations industrielles (comme dans le complexe d’Auschwitz-Birkenau), la présence d’habitations voisines des centres de mise à mort, le caractère massif des crimes et l’évasion de quelques déportés rendent inévitable la fuite d’informations.
Grâce à la Résistance polonaise, les atrocités et crimes de masse commis par les nazis dans les territoires de l'Est sont signalés aux Nations Unies dès 1942.
Imprimé pour le gouvernement polonais en exil, ce rapport précis et accablant en 21 points est signé par le ministre des Affaires étrangères polonais, Edward Raczynski. Il s’appuie sur le témoignage oculaire d’un résistant polonais, Jan Karski, qui parvint à entrer dans le ghetto de Varsovie, puis à s’introduire dans le ghetto d’Izbica en se faisant passer pour un gardien ukrainien. Arrêté et torturé à plusieurs reprises, il arriva à regagner Londres, porteur d’informations de première main sur la mise en œuvre de la Solution finale.
Le rapport fut transmis aux gouvernements anglais et américain : les atrocités du génocide alors en cours en Pologne y sont clairement et froidement exposées. La description des conditions de survie dans le ghetto de Varsovie est terrifiante.
Le rapport estime que, depuis le début de la guerre, plus d’un million de Juifs polonais ont péri. Il est suivi de différentes pièces, dont la reproduction de l’ordre de déportation des Juifs polonais par les nazis daté du 22 juillet 1942, la déclaration conjointe des Alliés, la résolution du gouvernement polonais condamnant les atrocités commises par les nazis envers les Juifs (17 décembre 1942) et le texte de la déclaration radiodiffusée du ministre E. Raczynski.
Cet exemplaire exceptionnel a été adressé par le gouvernement polonais en exil au Congrès américain ; il a été versé à la Library of Congress le 8 juillet 1943.
Les démantèlements des centres de mise à mort, en 1943
Pour conserver le secret de la Solution finale, plusieurs camps sont éliminés après avoir rempli leur office, en particulier suite à l’opération Reinhardt visant à faire disparaître les Juifs de Pologne. Dans les quatre centres d’extermination, les cadavres sont exhumés, parfois au moyen d’excavatrices, et brûlés en 1943. Belzec, où environ 450 000 Juifs ont été gazés, est démantelé au printemps 1943. C’est aussi le cas du centre de Chelmno, après la liquidation presque totale des Juifs du Warthegau et des Tsiganes. Le camp sera de nouveau utilisé en juin 1944 au moment de la liquidation du ghetto de Lodz. À
Treblinka, où périrent entre 750 000 et 900 000 personnes, après la révolte du 2 août au cours de laquelle 300 prisonniers parvinrent à s’enfuir, le camp est aussi supprimé. Les derniers corps sont incinérés, les baraques brûlées, la gare et la voie ferrée sont détruites. À Belzec et
Treblinka, des fermes sont installées sur l’emplacement des camps. À Sobibor, après la rébellion et l’évasion de prisonniers en octobre 1943, les nazis s’emploient aussi à effacer les traces de la destruction des 250 000 personnes assassinées. Des fouilles archéologiques menées à Sobibor ont permis de retrouver les murs des chambres à gaz.
La conférence intitulée
Les camps de l'Aktion Reinhardt ; l'opération Erntefest, en mars 2012 au Mémorial de la Shoah, met en évidence, à travers le travail d'excavation mené à Sobibor, la réalité du processus génocidaire.
http://www.ressources-audiovisuelles.memorialdelashoah.org/index.php?pla_id=fbe754f78d65ff6e#